Ce mercredi, c’est la journée de l’épicerie au centre de loisirs Paris’Anim, dans le 14e arrondissement. Des stands ont été installés dans le hall où les parents et les enfants se rencontrent. Les produits sont alléchants, tous biologiques, locaux ou issus du commerce équitable : dattes, miel, sauce tomate, courge multicolore… Et coûte 20 à 30 % de moins que dans un supermarché classique.
Cécile, écrivaine de 58 ans, se présente avec sa canne blanche. Immédiatement, une personne vient la saluer et l’accompagne pour remplir son panier. « Je suis bénéficiaire de l’allocation pour adultes handicapés, de 902 euros par mois. Mais j’ai l’impression que la nourriture fait partie de ma santé, alors j’essaie de faire preuve de créativité. Je cuisine beaucoup, je vais au Lidl, Too Good to Go. Et j’apprécie d’avoir accès à de bons produits à des prix raisonnables », explique-t-elle.
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Cécile est l’un des membres de VRAC, pour « Vers un réseau d’achat commun ». Comme son nom l’indique, cette association développe des groupes d’achat, afin de démocratiser l’accès à une alimentation de qualité produits.
Plan de l'article
Alimentation et dignité
Fondée en 2013, l’association aide aujourd’hui plus de 3 500 familles, soit près de 10 000 personnes réparties dans 56 groupes d’achat, situés dans les quartiers populaires de 13 grandes villes françaises. Souvent dans des structures éducatives populaires ou avec des soutiens sociaux.
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« 9 millions de personnes bénéficient d’une aide alimentaire traditionnelle en France. Souvent invendus par les grands détaillants et des produits de mauvaise qualité. Ce système ne contribue pas à une alimentation et une agriculture durables. Ici, au contraire, nous soutenons une production de qualité », explique Lorana Vincent, coordinatrice du réseau national.
Qui fait ressortir une autre différence avec l’aide alimentaire conventionnelle : « Chez VRAC, les membres du réseau peuvent choisir ce qu’ils veulent consommer. Et ils paient. Ils conservent leur dignité. »
Indispensable pour Nathalie, 58 ans, mère recevant le RSA après une carrière dans l’événementiel. « Une fois, je suis allé voir une distribution de la Croix-Rouge. J’ai attendu deux heures dans le froid, puis j’ai appelé par mon nom de famille. J’avais tellement honte. Ici, l’équipe est disponible, bienveillante, pas dans le pathos », glissait-elle.
Légumineuses, fruits secs… Les produits biologiques, locaux et équitables sont vendus dans les épiceries. (Crédit : VRAC, Denis Svartz) VRAC, soutien à l’agriculture durable
Concrètement, les ménages choisissent une fois par mois ce dont ils ont besoin parmi une cinquantaine de produits proposés. Les amidons, les légumineuses, les fruits secs, les produits de nettoyage, certains produits transformés et frais selon les producteurs du territoire. En ligne ou pendant la hotline pour ceux qui ne sont pas connectés. Deux semaines plus tard, ils viennent chercher leur commande dans une épicerie éphémère.
Un système rendu possible par des achats collectifs et des courts-circuits, ce qui réduit un peu les coûts. « Mais nous n’exerçons aucune pression sur les producteurs partenaires pour qu’ils baissent leurs prix », déclare Lorana. Avant tout, les produits sont vendus à des prix coûts. L’association ne fait donc pas de marge.
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Une association ouverte à tous
C’est à Lyon, en 2013, que l’idée a germé. Le fondateur de VRAC, Boris Tavernier, tient ensuite un bar coopératif lancé avec des producteurs locaux. Là, viennent souvent déjeuner le chef régional de la Fondation Abbé Pierre, et le directeur général de l’organisation HLM Est Métropole habitat. De leurs discussions sur la précarité, le logement et l’alimentation naîtront l’association VRAC.
Qui peut y participer ? L’association est principalement ouverte aux personnes à revenus modestes, isolées, ou aux locataires du parc social. Mais, dans un esprit de diversité, tout le monde peut demander à participer, avec une augmentation de 10 % et une adhésion annuelle de 30 euros. Le système a également été étendu aux universités, à Lyon, Rennes, Strasbourg…
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VRAC, un esprit populaire
éducation Chaque membre est également invité à donner du temps au projet, en fonction de sa disponibilité. Par exemple pour la distribution ou pour les animations. Parce que l’association organise également des rencontres avec des producteurs locaux, des ateliers de cuisine. Récemment, VRAC Paris a proposé une sortie « cueillette de safran » sur un toit et un concours de cuisine. « L’idée n’est pas d’apprendre aux gens à cuisiner mais de faire à partir du savoir-faire riche et nombreux des habitants, dans un esprit d’éducation populaire », explique Aline Di Carlo, directrice de VRAC Paris.
« À mon âge, je ne vais pas faire la révolution, mais par le biais de VRAC, j’ai l’impression d’essayer de changer un peu le monde. Ici, les membres ne sont pas mis en situation d’échec, ils sont aussi des acteurs. Nous nous sentons comme membre d’un projet collectif », confie à nouveau Cécile, alors qu’elle termine ses courses.
Une belle initiative, donc lauréate du prix de la Fondation « La France s’engage ». Toutefois, il reste à consolider son modèle économique. À l’heure actuelle, les 35 employés de VRAC sont rémunérés grâce à des subventions publiques et privées, qui augmentent en raison du plan de relance. Ce qui devrait permettre au réseau de prendre de l’ampleur. Le concept sera bientôt exporté vers la Belgique. Et le nombre de groupes d’achat devrait doubler en 2022.